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vendredi 17 août 2012

"Jews Got Money" de Sasha Andreas

« Jews Got Money », de Sasha Andréas

A l’occasion de la réalisation de son premier court-métrage, Jews Got Money, Sasha Andréas, de passage à Paris, a accepté de répondre à quelques questions. Entretien.
jews got moneyCultures-J.com : Dans le court-métrage que vous venez de réaliser, vous abordez le sujet des Juifs et de l’argent. Pourquoi ce sujet pour une première réalisation ?
Sasha Andréas : Parce que ça n’a jamais été fait. Quand j’ai eu cette idée il y a cinq ans, j’avais bien le pressentiment d’avoir pensé à quelque chose de nouveau, et je me suis renseigné à New York, auprès d’associations et d’organisations, afin de savoir si elles avaient déjà entendu parler d’un documentaire sur ce sujet, parce que je n’étais pas sûr. Elles m’ont dit que cela n’avait jamais été traité. A l’époque, j’habitais au Brésil, et le film La petite Jérusalem, un film sur des Juifs pauvres de Sarcelles avec Elsa Zylberstein, est passé à la télévision. Et un ami brésilien, d’abord étonné, m’a dit qu’il trouvait ça intéressant de montrer dans un film des Juifs qui ne soient pas riches, comme on le pense trop souvent. J’ai immédiatement tilté en me disant que là, il y avait quelque chose à faire, une information à porter, et le titre, Jews Got Money, m’est venu immédiatement. En fait, il n’est là que pour attirer l’attention. J’ai volontairement choisi un titre choc, provocateur, mais en réalité, ce film parle des Juifs pauvres. J’ai proposé le projet à des financiers, à des producteurs – j’ai même contacté Steven Spielberg, j’ai démarché les grands festivals, et je n’ai eu qu’une seule réponse, de la part de Jacques Attali. S’il m’a dit qu’il trouvait l’idée formidable, il n’a en revanche pas accepté de me financer. Longtemps, j’ai gardé ce projet dans un coin de ma tête, sachant que je tenais là quelque chose. De temps en temps, je relançais des journalistes, des documentaristes, j’ai écrit à Claude Lelouch, à Thomas Langmann (fils du producteur et réalisateur Claude Berri, NDLR), j’ai essayé de trouver quelques dizaines de milliers d’euros pour mener à bien ce projet. J’étais confiant, sûr de pouvoir le faire. Je pensais qu’avec 30.000 ou 40.000 euros, je pouvais rassembler une équipe, louer du matériel, acheter des archives à l’INA par exemple, comme le discours de Nicolas Sarkozy sur l’affaire Ilan Halimi. Et rien ! Pendant toutes ces années, à part ce petit encouragement de Jacques Attali, rien. Et puis je me suis énervé. Il y a quelques mois, j’étais à Madrid, et j’ai décidé de me lancer et de réaliser ce projet seul, avec le peu de moyens que j’avais. Arrivé à New York, j’ai engagé Dave Burdette, qu’on voit d’ailleurs dans le générique. Si je n’ai pas pu obtenir autant d’interviews que je le souhaitais, j’ai eu une chance hallucinante de pouvoir travailler avec lui. Il a tout de suite aimé mon projet. Il travaille lui-même dans le cinéma indépendant, et lorsque je l’ai rencontré, il m’a expliqué qu’il était en train de travailler sur un documentaire sur des pauvres dans des HLM à New York.  J’avais trouvé la bonne personne.
C-J.com : Vous parliez du discours de Nicolas Sarkozy et de l’affaire Ilan Halimi. Dans quelle mesure ce tragique événement vous a-t-il influencé ?
S.A. Il m’a motivé. Cette idée de film, je l’ai eue après l’affaire Ilan Halimi. Et l’année dernière, j’ai lu que Thomas Langmann préparait un film sur cet événement. Je lui ai écrit, je lui ai exposé mon projet, et lui ai dit que peut-être, nous pourrions travailler ensemble. Il ne m’a pas répondu. Mais de savoir qu’un projet sur ce sujet était en cours m’a remis l’idée en tête. Six mois après, j’ai décidé qu’on le faisait !
C-J.com : Dans quelles villes ont été filmées les interviews ?
S.A. Elles ont toutes été tournées à New York. J’ai fait des recherches dans les associations, comme le Metropolitan Council on Jewish Poverty, qui est très connu. Je rêvais d’avoir plus d’argent et de faire ça dans plusieurs villes, plusieurs pays, mais comme on n’avait pas trop de moyens, je me suis limité à New York.
C-J.com : Quelle a été la réaction des personnes interviewées ? Elles ont été surprises d’apprendre que quelque chose se faisait sur ce sujet ?
S.A. Oui, elles étaient enthousiastes, ça s’est très bien passé. J’ai eu de la chance de les avoir. En plus, Malcolm Hoenlein, ce n’est pas n’importe qui (depuis 1986, Malcolm Hoenlein est le Vice-Président de la Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations, NDLR). C’est quelqu’un de très influent. J’ai réalisé seulement après l’avoir interviewé qu’il était, lorsque j’ai lu dans Tablet Mag, un magazine juif fondé par Elie Wiesel, qu’il est considéré comme le Juif le plus influent du monde occidental. J’ai halluciné quand j’ai lu ça ! J’ai eu la chance d’avoir cet homme-là. Il a vu le documentaire. Il l’a apprécié. Toutes les personnes que j’ai rencontrées et interviewées étaient très enthousiastes, mais je dois préciser que plus de 90% de demandes que j’ai faites n’ont pas abouties. Tabou absolu. Ceux qui m’ont rejoint dans ce projet ont été rares, et aucune des organisations et associations qui travaillent au quotidien avec des Juifs dans le besoin n’a accepté de témoigner, à part le Met Council. Je suis même allé dans une synagogue où l’on servait des repas à des nécessiteux, et la personne avec laquelle j’ai parlé, un bénévole, m’a dit que si elle était pauvre, elle non plus ne me donnerait pas d’interview. Il y a un réel tabou sur ce sujet-là.
C-J.com : Etes-vous sûr que ce soit un tabou ? Ne s’agit-il pas plutôt d’humilité, de fierté ?
S.A. Malcolm Hoenlein explique très bien dans le film qu’il y a un réel tabou là-dessus. Il a discuté avec des officiels en Israël, et les gens ne veulent pas parler de ça. Il dit comprendre parce que le pays est jeune, que les gens n’ont pas envie que la pauvreté soit mise en avant, mais même lui n’arrive pas à aborder ça sereinement, expliquant entre autre que les Juifs n’aiment pas être assistés, qu’ils aiment rester indépendant de l’Etat. Ça n’a pas été facile. Une galère ! Une vraie galère ! Dans mon périple, je me suis adressé à de nombreuses autres personnes, dont une en particulier à qui j’ai demandé si elle accepterait de répondre à mes questions, etc., et j’ai appris par la suite qu’elle était allée demander conseil à son rabbin, qui lui avait déconseillé de témoigner. Amy et Schmuel, j’ai réussi à les rencontrer seulement quatre jours avant mon départ. Par hasard. Mon amie faisait des recherches sur Google, et nous sommes tombés sur un article qui parlait du cimetière juif de Mount Richmond. Je les ai contactés, et Amy a accepté immédiatement de me rencontrer. Quand je parle de « tabou », il s’agit d’un vrai mot pour définir ce sujet.
C-J.com : J’ai lu sur le net que vous étiez allé vivre une expérience dans un kibboutz en Israël. Aujourd’hui vous réalisez ce film sur les Juifs pauvres, et malgré cela, vous n’êtes pas Juif. Pourquoi cet intérêt ?
S.A. Oui, il y a 10 ans, je suis parti deux mois vivre au kibboutz Kinneret, du côté de Tibériade. C’était une très grande expérience. Moi je suis fils unique, et là-bas je me suis retrouvé à vivre avec 30 ou 40 personnes. C’était très différent pour moi. Je me suis forcé pour rester parce que dans les premiers temps, je n’étais pas à l’aise. Mais cette période est un moment très fort de ma vie. Sinon, j’ai toujours grandi avec des Juifs, dans le cercle familial, parmi mes amis, le hasard a toujours mis des Juifs sur ma route. Dave, le cameraman, est comme moi. Il a grandi dans le New Jersey, tous ses amis sont juifs et l’ouverture que nous avons par rapport au Peuple Juif est naturelle.
C-J.com : Prévoyez-vous une « suite » à ce film ? Au fil des pays que vous allez visiter, comme le Brésil, très prochainement par exemple…
S.A. Pas pour le moment, mais si j’arrive à gagner de l’argent avec ce film, je pourrais faire des bonus DVD, et bien sûr rajouter de nombreuses choses. Mais je ne peux faire ça que si ça marche. Pour l’instant je rame. Les articles sur mon film sont rares. J’ai reçu un mail aujourd’hui du Jewish Chronicle pour un article à paraitre la semaine prochaine. Je fais des démarches, j’envoie le trailer en expliquant que ça n’a jamais été fait, qu’il faut le voir, mais pas de réponse ! On va attendra un peu avant de conclure trop rapidement, je sens que ce documentaire a un très fort potentiel.
C-J.com : Quels sont vos futurs projets ?
S.A. Moi j’aime beaucoup l’idée, mais je pense assez controversée, d’aller à Miami, et d’interviewer des opposants cubains. J’aimerais y rencontrer des gens qui ont connu Che Guevara, qui ont connu Fidel Castro. Il y en a qui écrivent des livres, qui témoignent. J’aimerais leur poser des questions sur cette expérience-là, connaitre leur point de vue par rapport à ce qu’ils ont vécus. Aux Etats-Unis, je pense qu’un tel projet ne serait pas problématique, mais en France, si ça devait se faire, je m’attends à un black-out. Financièrement, ça peut être jouable. A suivre donc…
Propos recueillis à Paris le 8 août 2012.

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