La Presse
Nouvelles générales, samedi 10 novembre 1990, p. A19
Non, les juifs ne sont pas tous riches comme Crésus! Envers les préjugés les plus tenaces, un groupe de chercheurs de l'université McGill vient de conclure une étude montrant que les juifs canadiens ont eux aussi leurs paumés et leurs nécessiteux.
Si cette enquête, entreprise voilà dix ans, indique que la moyenne de juifs pauvres est moins élevée que la moyenne nationale, il n'en demeure pas moins que les gens de religion hébraïque font face à des problèmes tout aussi criants que les non juifs dans le besoin.
«Quand je parle de pauvreté juive, raconte Soli Benamron, de l'organisme de lutte contre la pauvreté Le Baron de Hirsh, les gens me regardent comme si cela était chose impossible. Pourtant les juifs pauvres ont aussi faim et froid que tous les autres pauvres.»
Elle cite en exemple ces personnes qui hésitaient à demander de l'aide parce qu'elles avaient trop honte de leur état de pauvreté. Plus encore, les juifs ne se servent guère des organismes d'État pour s'en sortir, honteux et isolés dans leur indigence. «Le fait de ne pas croire en la pauvreté des juifs fait en sorte que ceux-ci se sentent coupables de leur situation et tardent donc à demander de l'aide», stipule Alice Herscovitch, membre du projet Genèse de Côte-des-Neiges, qui a participé à la réalisation de l'étude.
Ce type de comportement, de même que les préjugés des «autres», la communauté juive voudrait les éliminer. L'enquête de l'université McGill met de l'avant des comparaisons entre la pauvreté juive et la pauvreté non juive. Ainsi, 30 p. cent des juifs pauvres sont des personnes âgées, contre 15 p. cent chez l'ensemble des Canadiens. La moitié des juifs pauvres vivent seuls, comparativement au quart pour l'ensemble de la population du Canada. Deux femmes juives sur trois qui demeurent seules sont pauvres.
Chose certaine, il y a moins de sans-le-sou chez les juifs que dans le reste de la population (17 p. cent au lieu de 25 p. cent à l'échelle nationale). «C'est un peu à cause de la solidarité de la communauté», selon Alice Herscovitch.
Cette solidarité ne suffit cependant pas et Mme Herscovitch souhaite que toutes les communautés luttent en choeur contre le même phénomène. «Et les gouvernements doivent livrer autre chose à la population que des réformes à l'assurance-chômage et à l'aide sociale, la TPS et la récession économique.»