105, rue de Belleville : Szwarcfuter Regina, 13 ans ; 4, rue des Rosiers : Simon Kaplan, 14 ans : l’inventaire se poursuit dans les rues de Paris, déclinant 6 182 noms. Ceux des enfants juifs de la capitale, arrêtés de juillet 1942 à août 1944. La majorité ont perdu la vie dans les camps de la mort nazis. Pour la première fois, une cartographie de leurs lieux d’arrestation vient d'être réalisée. Elle est l’œuvre de Jean-Luc Pinol, spécialiste de l’histoire urbaine et de géographie informatique à l'ENS de Lyon. A l’aide de l’exhaustif recensement déjà mené par Serge Klarsfeld, il a transposé ces données brutes sur une carte de la capitale.
Le résultat est frappant, et surtout remarquablement intuitif. Il suffit de passer son curseur sur un des innombrables cercles qui s’affichent. Une bulle apparaît, mentionnant l’adresse exacte du lieu, et le nombre d’enfants qui y furent arrêtés.
L’historien et avocat Serge Klarsfeld salue la valeur pédagogique et mémorielle de la carte interactive.
«Cela permet aux enfants de s’identifier à des décors qu’ils connaissent. Ils sont toujours très frappés de découvrir que des arrestations ont eu lieu tout près de chez eux.» Jean-Luc Pinol y voit un autre avantage : «La carte montre de manière bien plus spectaculaire des phénomènes que l’on connaît historiquement. Les antisémites des années 30 associaient les Juifs à la ploutocratie. On voit bien que c’est faux. La grande majorité des enfants ont été arrêtés dans des quartiers pauvres, où ils résidaient bien souvent.»
Plus de 25% des 6 182 arrestations ont été faites dans les îlots insalubres de la capitale (situés majoritairement dans le quart nord-est de Paris). Bon nombre de ces bâtiments ont aujourd’hui disparu. C’est pour cette raison que leur localisation est plus approximative. Ils apparaissent donc en orange sur la carte. «J’ai travaillé manuellement à partir du cadastre du début du XXe siècle pour situer les adresses», explique Jean-Luc Pinol.
Les consonances des noms de famille témoignent aussi d’une immigration venue d’Europe de l’est. «La communauté juive à Paris dans les années 40 était moins avancée socialement qu’aujourd’hui. Elle était notamment composée de personnes venues de Pologne, des pays baltes, qui exerçaient des métiers très humbles : tailleurs, casquetiers...», détaille Serge Klarsfeld.
«Les Juifs riches étaient minoritaires»
La carte soulève une autre question. L’ouest de la capitale, où habitaient les familles juives plus aisées, compte bien moins d’arrestations. Est-ce parce que les parents ont eu les moyens de mettre leurs enfants à l’abri ? «Pas du tout, répond Serge Klarsfeld. Déjà parce que les Juifs riches étaient minoritaires. Et parce qu’eux aussi ont été arrêtés, mais plus tardivement. Dans la communauté, il y a eu une grande naïveté face aux arrestations. Jusqu’en 1944, les enfants continuaient d’aller à l'école avec leur étoile jaune.»
Enthousiasmé par les résultats de cette cartographie, Serge Klarsfeld souhaite désormais l'étendre à l’ensemble des 76 000 Français de confession juive déportés durant l’Occupation (...)
http://www.liberation.fr/societe/2012/09/28/les-arrestations-des-enfants-juifs-a-paris-sous-un-jour-nouveau_849302
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.