Saviez-vous qu'un Juif new-yorkais sur cinq vit dans la pauvreté? Si vous l'ignoriez, vous n'êtes pas le seul: le cliché de rigueur en France et ailleurs est que "les Juifs ont de l'argent." C'est précisément à ce stéréotype que nous avons souhaité nous attaquer avec notre documentaire inédit, "Jews Got Money."
Contrairement aux idées reçues, il y a toujours eu des Juifs pauvres, et c'est encore vrai aujourd'hui de par le monde. C'est également le cas à New York, notre lieu de tournage, où réside la plus grande communauté juive hors d'Israël.
Cette pauvreté est plus variée qu'on ne le croit; elle touche des membres de la communauté juive orthodoxe, mais aussi des survivants de la Shoah dont les proches sont décédés, des Juifs soviétiques qui ont émigré aux Etats-Unis après la chute de l'URSS et des familles qui ont durement souffert de la crise financière, comme bon nombre de leurs compatriotes américains.
Malgré leur invisibilité aux yeux du grand public, ces personnes ne sont pas abandonnées de tous, et New York compte quantité de soupes populaires casher et d'associations caritatives juives. Il convient de souligner que ces dernières aident tous ceux qu'elles peuvent, sans critère de religion.
L'une de ces associations est le 'Metropolitan Council on Jewish poverty', dirigé par William Rapfogel, l'un des principaux témoins de notre documentaire. Plus connue sous le nom de "Met Council," cette association à but non lucratif créée dans les années 1970 n'a eu de cesse de venir en aide aux plus démunis. Il y a encore quelques mois, elle a joué un rôle important auprès des victimes du passage de l'ouragan Sandy.
L'association hébraïque d'obsèques gratuites (HFBA) existe depuis encore plus longtemps. Née dans les années 1880, elle a enterré 60.000 Juifs indigents, dont de nombreux nouveaux-nés et personnes âgées ainsi que des victimes de incendie de l'usine Triangle Shirtwaist de 1911.
La première fois que j'ai entendu parler de la HFBA et de ses actes d'altruisme, c'était par un article que sa directrice exécutive Amy Koplow avait publié l'année dernière sur le blog Religion du Huffington Post USA. Elle nous a par la suite conviés à visiter les cimetières que la HFBA entretient à Staten Island en compagnie du rabbin Shmuel Plafker qui nous a lui aussi accordé une interview.
Quelques jours plus tôt, nous avions aussi filmé un entretien avec le vice-président exécutif de la Conférence des Présidents de grandes organisations juives américaines, Malcolm Hoenlein parfois décrit comme étant "le Juif le plus puissant du monde occidental."
Vous serez peut-être surpris d'apprendre que Sasha Andreas, le réalisateur de "Jews Got Money", n'est pas juif. Il s'agit de son premier documentaire, sur un sujet qui lui tient à cœur:
"Étant Français, j'ai été marqué par le meurtre d'Ilan Halimi, enlevé, séquestré, torturé et tué par le gang des barbares, qui avait supposé qu'il était riche parce qu'il était juif."
Avec "Jews Got Money," son objectif était de mettre fin à un stéréotype dangereux, qu'il pensait essentiellement dû à l'antisémitisme. À sa grande surprise, il a découvert durant son enquête que la pauvreté était également un tabou au sein même de la communauté juive, et il s'est avéré particulièrement difficile d'obtenir des financements et des interviews:
"Je pensais que ce serait plus facile, parce que personne n'a jamais fait de documentaire sur ce sujet, donc je croyais que ma démarche serait bien accueillie, mais on dirait que certains préfèrent que rien ne change. Je m'attendais à ce que le titre que j'ai choisi fasse polémique, et finalement c'était le cadet de leurs soucis," confie-t-il.
Sa recherche de financements et de mécènes s'étant montrée infructueuse durant cinq ans, il a finalement réussi à réaliser son documentaire de 40 minutes avec un budget très limité et entièrement auto-financé. Le tournage n'aurait d'ailleurs pas été possible sans notre directeur de la photographie qui a mis son matériel et son talent à notre disposition pour une somme symbolique.
Maintenant le montage terminé, il nous reste à attirer l'attention de distributeurs et des médias qui pourront aider le film à trouver son public et transmettre son message. Malheureusement, nous avons jusqu'à présent essuyé refus sur refus, malgré plusieurs soutiens précieux tels que Guy Birenbaum et le Huffington Post USA, qui nous a également ouvert ses colonnes.
Il est important de noter que 99% de nos interlocuteurs font part de leur refus avant même d'avoir vu le film, ce qui confirme le tabou qui entoure notre sujet. Pourtant, il n'y a pas de raison de cacher l'existence des Juifs pauvres. Non seulement cela nourrit l'antisémitisme, mais cela prive aussi les associations qui leur viennent en aide de dons dont elles manquent toujours autant. La Tsedaka et la philanthropie sont profondément ancrées dans la culture juive, mais beaucoup de Juifs ne savent pas que certains de leurs coreligionnaires sont dans le besoin.
Avons-nous tort d'espérer que notre documentaire contribuera à briser le silence?
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