Trois semaines après l'attentat qui a coûté la vie à quatre personnes dans un supermarché casher, et à l'occasion du 70e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, François Hollande a rappelé mardi combien l'antisémitisme était "une réalité insupportable depuis quelques années" en France. Un "fléau" qui l'a conduit à décider de la mise en place d'un"plan global" de lutte contre ce phénomène.
"Je ne savais pas que ça existait, les juifs pauvres!" Cette phrase prononcée de façon anodine par un ami a déclenché l'envie chez Sasha Andreas d'enquêter sur le sujet. En 2012, ce réalisateur français de 40 ans a sorti son premier documentaire, Jews got money (*), sur la pauvreté chez les juifs. Anna Heim, qui a produit ce film et a enquêté avec lui, revient pour BFMTV.com sur ce stéréotype de la richesse, poncif dangereux qui motive un certain nombre d'agressions antisémites.
Pourquoi avoir voulu enquêter sur la pauvreté chez les juifs?
Sasha Andreas, qui n'est pas juif, a pris conscience un jour de la prégnance du cliché "juif=argent" dans la société. Nous avons ensuite été très marqués par l'histoire d'Ilan Halimi, torturé par des bourreaux pour la prétendue richesse de sa famille, car juive. On retrouve encore ce cliché dans l'agression à Créteil lundi dernier. On a donc voulu démontrer ce qui semble pourtant évident: la pauvreté existe aussi dans cette communauté. A New York, où nous avons enquêté, 1 juif sur 5 vit sous le seuil de pauvreté.
Ce cliché du "juif riche" existe-il réellement?
Sans aucun doute. Une petite recherche sur Twitter des mots "juif" et "pauvre" montre que le cliché est très fort chez les jeunes générations. On retrouve même ce stéréotype chez des gens cultivés, qui sont convaincus que la pauvreté n'existe pas dans cette communauté, forcément vue comme "solidaire". Ou alors ils imaginent seulement des familles nombreuses orthodoxes, qui ont choisi de vivre modestement. C'est faux, la pauvreté juive a de nombreux visages.
Qui sont ces personnes démunies?
A New York, ce sont des survivants de la Shoah, des juifs qui ont immigré de l'URSS, des jeunes Israéliens sans-papiers, des familles nombreuses touchées par la crise financière. Ils survivent grâce au tissu associatif caritatif, mais sont invisibles du grand public.
Pourquoi ce stéréotype existe-t-il, selon vous?
Je pense qu'il faut remonter assez loin dans l'Histoire pour en comprendre l'origine. Historiquement, les juifs étaient cantonnés à des métiers comme usurier, ou dans la finance, car de nombreux autres interdits les frappaient, et le prêt à intérêt était interdit pour les catholiques. Le mythe s'est ensuite enraciné. Par ailleurs, la charité et la générosité chez les juifs sont des composantes essentielles de la religion, mais beaucoup de dons sont faits à des institutions. Ainsi, dans les musées ou les lieux publics, on retrouve souvent les noms de donateurs juifs, ce qui participe à renforcer l'idée que les juifs sont riches.
Vous avez découvert que la pauvreté chez les juifs est taboue au sein même de la communauté...
Oui, on a été stupéfaits, on s'attendait à trouver beaucoup de soutiens et de gens désireux de briser ce cliché. En réalité, nous avons été ignorés durant des mois, en France comme en Israël, où un seul média a accepté de nous parler. Nous l'expliquons par une peur de la stigmatisation, un accent mis sur la réussite sociale, et la honte de demander de l'aide. Espérons que notre enquête permettre de faire évoluer les mentalités.
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